Du désert au Jardin Intégré de la Résilience
La commune d’Oudalaye est nichée dans la réserve sylvopastorale du Ferlo, dans le nord-est du Sénégal.
« Heege gasii ! » - « La faim, c’est fini! », s’exclament les enfants à la fin d’une assemblée. Leur excitation est évidente car pour la première fois à Oudalaye, ils sont témoins de la mise en place d’une plateforme maraîchère de trois hectares, permettant la production, la consommation et la commercialisation de légumes variés.
La commune d’Oudalaye est nichée dans la réserve sylvopastorale du Ferlo, dans le nord-est du Sénégal. La principale source de revenus des communautés est l'élevage et l’agriculture pluviale mais les faibles pluies, la désertification et les chocs climatiques menacent une situation socioéconomique et alimentaire déjà fragile.
« Les changements climatiques nous ont plongé dans l’insécurité alimentaire permanente et totale […] L’insuffisance des pluies a réduit drastiquement le pâturage, la végétation et les rendements, mettant ainsi en difficulté les éleveurs et les agriculteurs. Avant, pour se nourrir, on ne recourait pas à la vente du bétail comme c’est le cas aujourd’hui et malheureusement le bétail est parfois affaibli et bradé ; les changements climatiques nous appauvrissent davantage », explique Houleye Dia, mère de famille résidant dans la commune depuis plus de cinquante années.
C’est dans ce contexte qu’a germé l’initiative du « Jardin Intégré de Résilience » (JIR). Menée par le Centre de Coopération Internationale (CECI) et la Fédération des Associations du Fouta pour le Développement (FAFD), dans le cadre du projet « Sécurité alimentaire: une agriculture adaptée » (SAGA) coordonné par la FAO, l’initiative JIR vise le renforcement de capacités socioéconomiques des femmes de la commune et l’amélioration de leurs moyens d’existence face aux changements climatiques.
Un Jardin intégré de résilience dans une étendue aride
Houleye a pris connaissance de l’initiative JIR lors des assemblées générales organisées dans le village d’Oudalaye. Pour elle et ses consœurs, ces réunions mixtes représentent une occasion unique de s’impliquer dans la prise de décision et dans le développement de la commune.
« Les populations ont tour à tour pris la parole, exprimé leur satisfaction et se sont engagées à prendre à bras le corps l’initiative. Des personnes se sont même portées volontaires pour céder leur terrain au profit de l’initiative, et cet engagement des différents acteurs(trices) n’a jamais cessé », souligne Thierno Mamadou Diallo, représentant du chef de village d’Oudalaye.
Les assemblées ont ainsi permis de mobiliser Houleye et 222 autres personnes, dont 130 femmes (dont 63 jeunes femmes) et 93 jeunes hommes. De septembre 2019 à juillet 2020, elles et ils ont mis sur pied un jardin productif, là où il n’y avait que du sable!
« Les formations reçues ont permis une bonne gestion des différentes activités du jardin, une meilleure transformation et la conservation des feuilles d’oignons sous forme séchées - qui est une pratique locale -, de connaître la bonne utilisation des légumes dans nos repas et l’importance de l’utilisation des produits bio dans les activités agricoles », se réjouit Aissé Sy, bénéficiaire du projet.
Comme plusieurs participant(e)s, elle a été formée sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et sur les itinéraires techniques (ITK) dont la fabrication et l’application des biofertilisants et des biopesticides.
Les producteurs et productrices se sont aussi concentré(e)s sur des pratiques agroécologiques de gestion de l’eau et de conservation des sols - essentielles dans cette zone aride. C’est l’exemple du Gulle kisnal qui signifie en langue pulaar « trou » et « économiser/conserver ». Ces mini-bassins aménagés autour des plants permettent de concentrer l’eau d’arrosage sur les plants et ainsi réduire les pertes d’eau et en assurer une utilisation optimale par la plante. Il s’agit de l’équivalent local de la technique communément appelée zaï.
Aujourd’hui, des oignons, navets ou tomates, produits du JIR, sont valorisés par les femmes pour une alimentation plus nutritive et équilibrée. Grâce aux efforts des productrices et producteurs, environ 218 ménages du village et plus de 110 ménages des villages environnants bénéficient des retombées du jardin, un ménage de ces localités pouvant atteindre plus de 12 personnes.
Perspectives de mise à l’échelle
« Les résultats du jardin ont dépassé nos attentes, nous avons vu des villages voisins spontanément reproduire ce qui s’est fait dans le JIR, parfois avec l’aide de participant(e)s de l’initiative. D’autres villages sollicitent notre appui pour avoir cette initiative dans leurs villages » informe Oumar Diack de la FAFD, responsable terrain des activités.
Au niveau de la commune, les activités ont permis de consolider les dynamiques locales déjà engagées par les groupements de productrices et formaliser leur structure organisationnelle. Ces résultats positifs achevés avec la collaboration de la communauté serviront de tremplin vers la mise en place d’un cadre opérationnel de dialogue et de plaidoyer pour les droits de la femme.
L’initiative JIR s’intègre dans le projet global SAGA qui vise le renforcement des capacités de planification de l’adaptation pour la sécurité alimentaire et la nutrition dans deux pays francophones particulièrement vulnérables au changement climatique: Haïti et le Sénégal. Au Sénégal, les activités de SAGA convergent vers le processus de plan national d’adaptation pour le secteur de l’agriculture (PNA agriculture). Les leçons tirées du JIR combinées à celles des autres initiatives pilotes de renforcement des capacités de la société civile représentent une opportunité d’informer le PNA agriculture à partir d’évidences non seulement scientifiques, mais aussi pratiques, et ainsi assurer son alignement aux besoins et intérêts des communautés rurales.
En savoir plus
Page web: Projet global SAGA
Etat des lieux du processus PNA du Sénégal pour le secteur de l’agriculture