M. Robert GUEI, Représentant de la FAO au Sénégal et Coordonnateur du Bureau Sous-régional de la FAO pour l’Afrique de l’Ouest.
D’après les projections, les conséquences des mesures liées à la pandémie de la COVID-19 pourraient pousser 9 millions de personnes supplémentaires;
Dans le cadre de la lutte contre la COVID-19, la FAO est mobilisée, comme toutes les Agences du système des Nations Unies, pour appuyer le Gouvernement dans la riposte et la relance socio-économique. M. Robert Guei, revient dans cet entretien sur l’appui de l’Agence.
La pandémie de COVID-19 a eu un impact sur les systèmes alimentaires mondiaux, perturbant les chaînes de valeurs agricoles régionales et posant des risques pour la sécurité alimentaire des ménages. Comment la FAO au Sénégal, a-t-elle soutenu le Gouvernement du Sénégal, pour anticiper et faire face aux menaces que la pandémie faisait planer sur la consommation des ménages ?
Face à la COVID-19, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a développé différentes actions pour appuyer le Gouvernement du Sénégal dans sa réponse à la pandémie. D’abord, nous avons mené des activités de sensibilisation auprès des populations pour le respect des gestes barrières à travers les clubs Dimitra et les radios communautaires.
Ensuite, face aux perturbations notées dans les systèmes alimentaires, suite aux mesures prises par le Gouvernement pour limiter la propagation du virus, nous avons mis en place un dispositif qui était une sorte de ponts entre les producteurs affectés et les populations vulnérables.
Cette opération a été menée dans le cadre d’une initiative intitulée « Le Panier de la Ménagère », lancée par le Ministre de l’Agriculture et de l’Équipement Rural, Pr Moussa Baldé, pour préserver les systèmes alimentaires. Cette action consistait à acheter les produits alimentaires auprès de petits producteurs pour faire des kits composés de céréales, de produits carnés, de produits maraîchers et halieutiques transformés et les a mis à disposition de ménages en situation d’insécurité alimentaire.
Il faut souligner que cette action nous l’avons menée conjointement avec l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU Femmes) et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Grâce aux interventions des trois agences onusiennes, 14 075 ménages vulnérables ont bénéficié de ces kits alimentaires dans huit régions du Sénégal (Dakar, Kaolack, Louga, Tambacounda, Kédougou, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor).
Je voudrais saisir cette occasion pour saluer la collaboration de nos partenaires de mise en œuvre qui sont l’Agence nationale de conseil agricole et rural (ANCAR), l’Association des femmes de l’Afrique de l’Ouest (AFAO) et l’ONG Symbiose.
Outre les consommateurs, les producteurs ont été fortement impactés par la pandémie, en particulier dans des secteurs stratégiques comme l’agriculture, la pêche, ou encore les entreprises de transformation. Comment la FAO au Sénégal a-t-elle appuyé le Gouvernement pour limiter l’impact de la crise sur ces secteurs, puis pour permettre les conditions d’une relance socio-économique ?
La FAO a développé plusieurs actions pour appuyer le Gouvernement du Sénégal dans la relance socio-économique. Le panier de la ménagère fait partie des actions menées dans le court terme dans le secteur agricole. Grâce à cette initiative, 690 productrices ont pu gagner des revenus estimés à 167 018 459 FCFA. Dans le secteur de l’élevage, nous avons soutenu financièrement le Ministère avec une enveloppe de 330 000 USD pour développer les cultures fourragères.
Nous avons également fourni 2 000 tonnes d’aliments de bétail à des éleveurs pour préserver leurs moyens d’existence ainsi que des vaccins contre la peste des petits ruminants.
Dans le long terme, la FAO va appuyer le Gouvernement dans la relance durable des chaînes de valeur agro-sylvopastorales, dans une démarche partenariale avec l’ensemble des ministères sectoriels (agriculture, élevage, pêche et aquaculture, jeunesse, collectivités territoriales). Cette collaboration a abouti à la conception de programmes post-COVID-19 qui s’insèrent dans le PAP2A du Gouvernement.
Pour l'Afrique de l'Ouest et la région du Sahel en particulier, la pandémie est venue s’agréger à d’autres coups durs comme les sécheresses, les pénuries alimentaires, ainsi que l’insécurité croissante ces dernières années. Plus d’une année après le début de la pandémie, quel portrait faites-vous de la situation actuelle ?
D’après les projections, les conséquences des mesures liées à la pandémie de la COVID-19 pourraient pousser 9 millions de personnes supplémentaires vers une insécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest.
Sur le plan pastoral, malgré les bonnes pluies enregistrées au cours de la saison hivernale 2020-2021, les restrictions liées aux mouvements de la transhumance et le renforcement des contrôles de sécurité dans le cadre de la lutte contre la pandémie pourraient réduire la mobilité des animaux vers les pays du golfe de Guinée de même que le commerce transfrontalier.
Pour aider les gouvernements à faire face à cette situation, le Bureau sous-régional de la FAO, à travers, les bureaux pays, a élaboré des programmes de réponse à la COVID-19 pour soutenir les pays de la sous-région dans leurs programmes de relance agricole. Nous avons aussi appuyé les pays à mobiliser USD 67 808 053 pour la réponse humanitaire, la prévention des zoonoses, le renforcement de la résilience des populations et la transformation du système alimentaire.
Beaucoup d’études ont montré que les enfants et les femmes sont les plus impactés par la crise. Comment la FAO au Sénégal a-t-elle soutenu ces catégories vulnérables durant la pandémie ?
La FAO, dans le cadre de sa réponse à la COVID-19, a accordé une importance capitale à ces deux catégories. D’ailleurs dans la mise en œuvre de l’initiative « Le panier de la ménagère », avec ONU Femmes et UNFPA, nous avions ciblé les femmes productrices et transformatrices de produits locaux céréaliers et halieutiques, les femmes et filles en situation de vulnérabilité (victimes de violences, porteuses de fistules, en milieu carcéral, personnes vivant avec un handicap) et les ménages vulnérables hébergeant des enfants de 0 à 5 ans. Cela a permis de leur apporter une aide significative face à la pandémie qui a durement affecté les activités de beaucoup de femmes.
Aujourd’hui les vaccins sont en train d’être administrés aux populations. Toutefois, certaines projections prévoient une présence de la pandémie pour une période d’au moins cinq années supplémentaires. Si un tel scénario devait se réaliser, quel seraient selon vous les grands défis que la FAO devra relever, pour accompagner le Sénégal et les autres pays de la sous-région, pour faire face et sortir de la pandémie ?
Vous savez, sur le plan économique, les jeunes font partie des couches les plus affectées par les mesures restrictives, compte tenu de leur situation de non-emploi, de sous-emploi et de leurs maigres revenus.
Au Sénégal, par exemple, la FAO et le Gouvernement ont développé le Programme de partenariat pour l’insertion et l’emploi des jeunes dans les chaines de valeur agro-sylvopastorales, halieutiques et aquacoles (CVASPHA). Ce programme, qui s’inscrit dans le Programme d’urgence du Chef de l’État pour l’insertion et l’emploi des jeunes, comporte une phase d’urgence couvrant la période 2021-2022. L’objectif est de former, d’insérer et d’accompagner 23 950 jeunes et femmes dans les CVASPHA. La deuxième phase du Programme (2023-2025) est celle d’extension et de mise à l’échelle qui devra concerner 71 350 jeunes et femmes.
Plus d’une année après le début de la pandémie au Sénégal, comment jugez-vous l’action de l’Équipe Pays du système des Nations Unies au Sénégal, dans sa mobilisation auprès du Gouvernement, des populations, des communautés et des collectivités locales, pour lutter contre la pandémie et contribuer aux conditions d’une relance socio-économique ?
Nous magnifions l’action du système des Nations Unies au Sénégal qui a encore démontré son engagement à accompagner le Gouvernement pour un développement durable et inclusif. Cet accompagnement a été d’ailleurs renforcé dans le contexte de pandémie de la COVID-19 avec un plan de réponse qui a été élaboré conjointement par toutes les agences pour venir en aide aux communautés en situation de vulnérabilité. Il y a aussi cette campagne très importante « Le SNU unis dans l’action, XEEX COVID-19 » que nous avons menée pour sensibiliser encore les communautés au respect des gestes barrières mais aussi pour appuyer en matériels et vivres certains groupes assez vulnérables comme les femmes détenues, les Daaras, etc. en collaboration avec les collectivités locales.