L'économie numérique pour renforcer la résilience des jeunes et des femmes
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Alors qu’ils sont constamment décrits comme les piliers sur lesquels reposeront le développement du Sénégal et de l’Afrique, eu égard à leur contribution...
Alors qu’ils sont constamment décrits comme les piliers sur lesquels reposeront le développement du Sénégal et de l’Afrique, eu égard à leur contribution dans les secteurs clés, moteurs de croissance économique, les jeunes et les femmes figurent paradoxalement parmi les populations les plus touchées par les vulnérabilités, en particulier sur le marché du travail.
La pandémie de la COVID-19 est venue exacerber ces vulnérabilités, accroissant les violences basées sur le genre selon les études d’ONU Femmes, et poussant le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres a appelé les dirigeants du monde entier à « dépasser les platitudes » sur les jeunes et leur offrir un avenir meilleur, dans son allocution d’ouverture du 10 ème Forum des jeunes du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC). Aussi, les jeunes et les femmes ont-ils été fortement impactés par la pandémie, en particulier sur l'emploi et le revenu des ménages.
Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), la crise économique créée par la pandémie devrait provoquer le chômage de plus de 200 millions de personnes dans le monde en 2022, les femmes et les jeunes travailleurs étant les plus touchés. Les femmes ont été touchées de manière disproportionnée par la crise, puisqu’elles ont vu leur emploi chuter de 5% en 2020, contre 3,9% pour les hommes, tandis que l’emploi des jeunes a également continué à souffrir du ralentissement économique, chutant de 8,7% en 2020, contre 3,7% pour les adultes (Cf. Rapport OIT : Le COVID-19 et le monde du travail).
Bien entendu, les solutions du numérique, notamment le travail à distance et la numérisation de certains types de travail, ont permis de sauvegarder beaucoup d’emplois, en particulier dans le secteur tertiaire. Il faut cependant noter que les jeunes et les femmes ont étaient plus susceptibles de perdre leur emploi, d’autant plus que ces dernières étaient plus représentées dans les secteurs les plus durement touchés par la pandémie, tels que le tourisme, l'hôtellerie, la restauration et le commerce informel, etc. Or, après l'impact dévastateur de COVID-19, il est essentiel dans la relance socio-économique, de garantir une approche équitable, dont l’impact réel sera visible sur l’emploi et les revenus individuels, en particulier en faveur des femmes et des jeunes.
C’est d’ailleurs tout le sens de l’appui du système des Nations Unies au Gouvernement du Sénégal, en faveur d’une relance socio-économique, notamment à travers le Cadre des Nations Unies pour la Réponse Socio-économique immédiate à la COVID-19. Pour rappel, ce Cadre a été adossé à celui déjà défini par le Gouvernement, à travers le Plan de résilience économique et social (PRES) avec un fonds dénommé FORCE-COVID-19 d’un montant de 1000 milliards de francs CFA, soit 7% du PIB, mais également le Plan d’Action Prioritaire Ajusté et Accéléré (PAP2A). Le système des Nations Unies au Sénégal est en train d’élaborer une stratégie jeunesse, en appui à la politique amorcée par le Chef de l’Etat, en faveur de l’emploi des jeunes.
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A côté de toutes ces mesures dans lesquelles le système des Nations Unies et les partenaires sont engagés auprès du Gouvernement, l’économie numérique constitue également une opportunité, pour permettre un accès plus large aux emplois, notamment à travers la diversification des plateformes et des compétences.
Faut-il le rappeler, selon l’enquête nationale sur l’Emploi au Sénégal, menée par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), le niveau du chômage des personnes âgées de 15 ans ou plus est évalué à 16,9% au quatrième trimestre de 2019, touchant particulièrement les jeunes, mais également les femmes avec 27,6%, contre (8,6%) pour les hommes. Il faut également souligner que les jeunes occupent souvent des postes de niveau inférieur et ont moins d'expérience professionnelle, ce qui les rend plus susceptibles de perdre leur emploi lorsque les entreprises sont confrontées à des difficultés financières.
Le Sénégal offre un environnement propice au développement d’activités liées aux TIC, depuis que le pays s’est résolument inscrit dans l’ère de l’économie numérique avec une forte volonté́ de l’État, qui a mis en œuvre une politique de croissance et de modernisation de son administration fondée sur les TIC avec d’importants investissements consentis en termes de capacité́ et de modernisation. Le système des Nations Unies accompagne bien entendu ce processus avec l’engagement d’Agences comme le PNUD dans l’accompagnement numérique de l’administration, l’UNESCO, le BIT et l’UNICEF avec des innovations digitales pour l’enseignement; le FIDA qui soutient les agriculteurs à travers la plateforme « we connect farmers » et d’autres initiatives étendue au Sahel en collaboration avec la FAO et le PAM. L’ONUDC accompagne également le Sénégal dans la mise en œuvre de la Stratégie nationale SN2025 qui vise à faire du pays un hub du numérique et de la digitalisation dans la région et sur le continent, etc.
Cette stratégie « Sénégal numérique 2025 » est élaborée en s’appuyant sur les orientations fixées par le Plan Sénégal Emergent (PSE) et incarnant l’ambition du pays de maintenir une position de pays leader innovant en Afrique dans le domaine du numérique. Son slogan est « le numérique pour tous et pour tous les usages en 2025 au Sénégal avec un secteur privé dynamique et innovant dans un écosystème performant ». Cette stratégie est déclinée en plan d'actions, pour un coût total du plan d’actions constitué de 28 réformes et 69 projets, de 1.361 milliards de F CFA.
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Aussi, pour se donner les moyens de ses ambitions, le pays offre-t-il aux entreprises une liaison ininterrompue au reste du monde grâce aux connectiques les plus performantes (réseau 100% numérisé́ à haut débit sur l’ensemble du territoire offrant une gamme de produits variés : ADSL, Frame Relay, RNIS, VSAT etc.) et à un réseau de télécommunications numérisé́ à 100% avec une boucle de près de 6 000 kilomètres de fibre optique et une bande passante internationale disponible de 25,7 Gb/s (2017), selon l’Agence de promotion des investissements et des grands travaux (APIX).
La bonne qualité de l’Internet et de la couverture nationale, offre des opportunités à travers l'économie numérique, notamment un large éventail d'activités qui peuvent être facilitées ou hébergées par les plateformes en ligne, et/ou mobiles. Au nombre de ces opportunités figurent bien entendu le commerce en ligne, les services de transfert d’argent et tous les services et biens qui peuvent être échangés de manière numérique.
D’ailleurs, des secteurs comme la culture, l’art et à la musique, au demeurant fortement impactés par la COVID-19, ont commencé à exploiter les opportunités qu’offrent le numérique, sous l’impulsion d’une nouvelle génération de jeunes artistes comme le rappeur Nix, qui a mis en place la plateforme « Deedo ». Cette plateforme permet aux artistes de la musique africaine de gagner en notoriété et en popularité, à travers un service de streaming musical panafricain, actuellement disponible dans six pays d’Afrique, mais aussi en France et au Royaume-Uni. Beaucoup d’autres jeunes rappeurs de la scène musicale sénégalaise, mais également de jeunes grapheurs comme ceux du collectif RBS Crew, des influenceurs... ont compris le tournant crucial que constitue l’économie numérique.
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De plus en plus de marchés en ligne et de plateformes électroniques qui mettent en relation les consommateurs et les entreprises, voient le jour. Cette dynamique s’accompagne d’une floraison de startups opérant dans le commerce électronique et qui cristallisent toutes les attentions et font l’objet de fortes convoitises en raison de leurs capacités à donner aux consommateurs de nouvelles opportunités en termes de facilitation d’accès aux produits et de la diversification des offres sur le marché. Parmi ces startups nous pouvons citer Jumia, CDiscounts Sénégal, Expat-Dakar, Afrimarket, CoinAfrique, Paps, etc.
De manière globale, ces startups offrent beaucoup d’opportunités aux petites et moyennes entreprises (PME) à la recherche de nouvelles parts de marchés et d’une densification de leurs réseaux clientèles ; qu’il s’agisse des PME évoluant dans l’agroalimentaire, les services financiers, les BTP, les services, la cosmétique, le conseil, l’audit, mais également le secteur informel, ils ont tous à gagner dans l’exploitation des opportunités de l’économie numérique.
Dans leur article sur l’impact des usages du mobile dans les performances économiques des micros et petites entreprises informelles à Dakar, les chercheurs Jean-Philippe Berrou, Thomas Eekhout et François Combarnous identifient des liens forts entre usages numériques et réussite économique.
Outre l’énorme potentiel de croissance de la transition vers l'économie numérique, la crise de la COVID-19 aura montré que les entreprises et les services numériques peuvent résister aux chocs et aux vulnérabilités auxquelles de nombreux fournisseurs de biens et de services physiques ne peuvent pas faire face.
Ainsi, l’expérience imposée par la pandémie a indubitablement montré que l’économie numérique peut améliorer la résilience des populations vulnérables, en particulier des femmes et des jeunes. En effet, qu’il s’agisse du secteur formel comme informel, les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) au Sénégal ont dans le numérique de grandes opportunités et beaucoup de potentiels, notamment en franchissant le pas de la numérisation, elles pourraient, optimiser leur résilience en période de difficultés financières et améliorer leur compétitivité. La résilience des groupes vulnérables peut être également renforcée par la compétitivité que la numérisation apporte aux entreprises. Toutefois, pour que les opportunités de changement soient significatives et entrainent une véritable transformation sociale, il faut qu’elles soient accessibles à l'ensemble de la population. Aussi, faut-il créer des conditions propices pour que les populations puissent participer efficacement à l'économie numérique depuis toutes les régions du Sénégal.
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C’est sans doute conscient du potentiel de résilience de l’économie numérique, en particulier pour les groupes vulnérables, que le Gouvernement a lancé le 29 mars 2021, un projet pour la formation de 23 300 femmes aux technologies de l’information et de la communication (TIC).
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Ce sont pour les mêmes raisons que le Ministre de l'Économie numérique et des Télécommunications, M. Yankhoba DIATARA, a procédé à la signature d'une Convention de Partenariat avec la Délégation Générale à l'Entreprenariat des Femmes et des Jeunes DER/FJ le vendredi 12 mars 2021, pour créer selon le Ministre, une synergie des moyens d’actions pour la promotion de l’emploi des jeunes dans le numérique.
Bien évidemment, en plus de la mise à niveau en termes d’investissements dans des infrastructures pour soutenir cette transition numérique, il est essentiel d’accompagner le processus par un système d’éducation à une véritable culture numérique ; travail dans lequel des Agences du système des Nations Unies comme l’UNICEF, l’UNESCO ou encore le BIT sont déjà engagés. Une des conditions de réussite du processus repose également sur la garantie du caractère abordable des services de données mobiles et de la couverture de l'Internet public. Le processus devra également être accompagné d’une harmonisation de la réglementation pour protéger les travailleurs informels et les indépendants, notamment à travers des approches qui garantissent la protection sociale des travailleurs.
Pour le Sénégal, l'économie numérique constitue une opportunité inouïe, pour faciliter une croissance inclusive qui cible spécifiquement les défis auxquels sont confrontés les femmes et les jeunes. Le système des Nations Unies au Sénégal est pleinement engagé à soutenir le Gouvernement dans ce processus, pour renforcer la résilience des populations en particulier des plus vulnérables pour que personne ne soit laissé pour compte, selon le principe du « Leave No One Behind », et pour qu’ensemble nous reconstruisions mieux, selon le principe du « Build Back Better ». La pandémie a porté un coup d’arrêt à la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) et à l’Agenda 2030. Toutefois, à travers toutes les mesures mis en place par le Gouvernement, soutenu par le système des Nations Unies à travers le déploiement de ressources financières et d’un appui technique, ainsi que le soutien des autres partenaires au développement, l’on peut gager que la résilience socio-économique impulsée par le Gouvernement permettra de relancer une dynamique positive dans la réalisation des Objectifs de Développement Durable.