La classe passerelle et le rêve de Maïmouna
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« Je veux devenir enseignante ! »
Comme tous les enfants de son âge, Maïmouna Sarr a des rêves plein la tête. Depuis la rentrée scolaire, son rêve le plus cher est devenu réalité ; elle peut enfin aller à l’école, comme toutes ses amies. A 13 ans, c’est une jeune fille très épanouie que nous avons rencontrée à l’école Ibrahima Thioub de Matam.
Concentrée, elle lève la main à toutes les questions de l’enseignant, en donnant à chaque fois avec délectation la bonne réponse, non sans arborer un sourire malicieux qui trahit sa satisfaction.
Maïmouna vit avec sa grand-mère. Son père ; elle ne se souvient plus vraiment de lui. Il est parti travailler au Gabon lui a-t-on dit. Quant à sa mère, elle travaille à Dakar et revient quand elle le peut. Sa grand-mère est gentille et l’aime beaucoup, nous confie-t-elle. Mais comme elle est trop âgée pour s’occuper des tâches domestiques, c’est Maïmouna qui l’aide dès l’aube, en allant chercher de l’eau à la borne fontaine, ensuite elle prépare la bouillie pour toute la famille, puis vient le moment d’aller chercher du bois et de préparer le repas, après avoir balayé la maison et parfois fait le linge.
Le rude quotidien de Maïmouna n’est malheureusement pas un fait rare dans la région. Le manque d’emploi a poussé les hommes et beaucoup de femmes en âge de travailler à l’immigration vers les centres urbains, où à l’étranger. Il ne reste alors dans beaucoup de familles, que les enfants, en particulier les filles, pour aider aux champs et effectuer le travail domestique.
L’école pour rêver
Voyant sa petite fille adorée malheureuse de ne pas pouvoir aller à l’école, la grand-mère de Maïmouna a su saisir l’opportunité des classes passerelles, pour réaliser le rêve de sa petite Maï. En effet pendant longtemps, elle disait que c’était trop tard, elle pensait Maïmouna trop âgée pour la mettre à l’école. Alors, c’est sans hésitation qu’elle prit sa décision, quand elle a entendu parler des classes passerelles, qui offrent aux enfants non scolarisés, y compris ceux qui travaillent, une seconde chance d’intégrer – ou de réintégrer – le système scolaire formel.
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« Je veux devenir enseignante ! » répond Maï, avec beaucoup d’assurance, quand nous lui demandons le métier qu’elle souhaite exercer plus tard. « C’est pour aider les petites filles comme moi à devenir quelqu’un. » ajoute-t-elle, les yeux embrumés, d’une voix sentencieuse, qui semble transformer son rêve en besoin quasi vital. Devenir quelqu’un ! Ces mots d’une petite fille, tranchent avec son jeune âge et saisissent aux tripes les membres de l’Equipe-pays des Nations Unies au Sénégal, venus visiter la classe passerelle.
Soutenir toutes les Maïmouna
Même si des progrès significatifs ont été réalisés en matière d’éducation de base, il existe des disparités régionales importantes laissant des milliers d’enfants en dehors du système scolaire, en particulier à l’école primaire. Alors que certains sont inscrits dans des écoles coraniques non formelles, beaucoup d’autres sont tout simplement privés de leur droit à l’éducation.
Les raisons sont multiples ; la pauvreté, l’éloignement des écoles, la mauvaise qualité de l’enseignement parfois ou encore une faible sensibilisation des parents à l’importance de l’éducation. La conséquence est que beaucoup de ces enfants non scolarisés sont souvent exposés au travail des enfants et privés de leur droit à l’éducation ; une situation qui leur laisse peu de possibilités de développer pleinement leur potentiel.
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Aussi, grâce à l’engagement d’Agences du Système des Nations Unies comme l’UNICEF et le PAM, des solutions sont trouvées et beaucoup d’enfants non scolarisés reprennent les chemins de l’école. A travers le projet de classes passerelles et d’appui aux daaras (écoles coraniques), l’UNICEF en collaboration avec les autorités académiques, promeut la réinsertion des enfants dans le système éducatif. Pour ce faire, l’Agence forme des facilitateurs dont certains sont enrôlés par le Ministère de l’Education Nationale (MEN), et équipe les classes et les élèves en matériels, tout en menant des activités de sensibilisation sur la nécessité d’encourager les inscriptions. Il faut souligner que les classes passerelles sont multi-classes et multi-âge et permettent de préparer les enfants et adolescents en décrochage scolaire à réintégrer le cursus scolaire normal.
Les résultats à Matam sont d’autant plus probants, qu’une autre initiative du Programme Alimentaire Mondial (PAM), facilite considérablement le quotidien des enfants, mais également des familles. En effet, à travers son programme des cantines scolaires, 54 344 élèves des 236 écoles élémentaires publiques de la région de Matam (soit 54% des écoles primaires), bénéficient annuellement d’au moins un repas chaud quotidien. Une bénédiction pour les familles et un apport quotidien qui a considérablement permis d’améliorer les résultats des enfants et surtout leur santé nutritionnelle, selon l’inspecteur d’académie de Matam.
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Pour rappel, outre les repas, le programme des cantines scolaires comprend également d’autres aspects comme les foyers améliorés, la mise à disposition d’intrants de qualité, des jardins scolaires, ainsi que des formations à travers l’application Nutrifami.
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L’Equipe-pays des Nations Unies a quitté Maïmouna et ses ami(e)s heureux d’être à l’école, avec la promesse de soutenir d’avantage les enfants de la région pour qu’ils puissent tous avoir la possibilité de développer pleinement leur potentiel et bâtir un avenir serein.